La vie active est un défi. Il faut trouver sa place, mener sa vie, défendre ses projets, choisir et être choisi... Les « journées » aident l’acteur à camper une position consciente ; un rapport à la représentation et au spectacle vivant dans un monde soustrait des tensions et de l’électricité ambiante, pour un temps.
Nous entrons dans le studio de travail. Nous descendons dans notre atelier intérieur, et petit à petit d’autres visions affleurent. Nous investissons peu à peu l’espace théâtral. Nous percevons l’équilibre de tout ce qui constitue le vivant. L’air qui passe entre les gens, une pensée invisible qui relie tout. Elle est matière autant que les murs de la salle, la moquette au sol, la couleur du pull du partenaire, la présence de l’autre assis dans les gradins, la relation à celui qui est sur le plateau avec moi, la relation à un être à l’intérieur de moi, curieux de découvrir ce qui se passe à la lumière du théâtre. Un être que je connais intimement, mais que j’oublie, souvent. Lui est libre, lui parfume l’espace de son essence, lui ne vit que dans l’observation du présent.
Le sujet-acteur a besoin de cet espace-temps d’une texture différente pour se mettre en relation avec cet être intérieur, pour découvrir quel goût a ce lien. A chaque instant une page se lit, on pose un trait sur une feuille, c’est fait et ne peut être défait. Il faut que la vision du moment présent soit claire pour que le geste soit juste, pour que le mot choisi soit le bon.
Et les cadeaux viennent. Sans attentes ni regrets, ils viennent. Nous ne faisons plus du théâtre, c’est le théâtre qui nous fait.
Nous sommes dans la grotte de l’acteur, dans l’arrière-boutique du jeu théâtral. Nous constituons doucement notre propre boîte à outils. Là où tout commence. C’est une homéopathie du jeu. Un travail sur les couches profondes. Une prévention contre les pièges de la représentation, car cela nous prépare à une rencontre plus sensorielle avec le public. Nous ne sommes plus en face les uns des autres, mais dans un espace commun de regardants et de regardés. C’est quelque chose d’indicible. Mieux vaut le vivre.
Les exercices aident l’acteur à décrypter en toute conscience sa présence. Il observe tout ce qui constitue cet instant du présent : l’espace, les gestes, les mots, les déplacements, une infinité de détails. L’attention devient active. C’est un équilibre à tenir entre agir et être agi. Nous développons un mouvement de curiosité.
Avant que les histoires n’apparaissent, avant la fiction, avant les personnages, avant les mises en scène, il y a l’individu vibrant dans un monde en temps réel. Tout est relation. Le regard que l’on porte sur soi, sur son partenaire, sur les regardants, sur le déroulé qui s’invente instant après instant est la première information qui induit un « récit ».
Des actions aident à rester en éveil. Marcher, courir, crier, rire, serrer l’autre dans ses bras, fondre en larme, parler, deviennent des nécessités pour continuer à voir clair. Elles s’inventent dans la relation à l’autre. Quand le verbe naît, il n’est ni intellectuel ni explicatif, il est ancré dans ce même travail d’attention. Les mots choisis intuitivement accompagnent cette observation active. C’est un temps vertical et non plus linéaire. Les mots prennent une valeur symbolique. Si l’on dit « bonjour », ce « bonjour » est autant adressé à l’autre, qu’à l’inconnu en soi. C’est un « bonjour » unique. Il n’y en aura pas d’autres comme celui-là.
C’est également l’école du spectateur.
Celui-ci reçoit très nettement la vérité de ce qui est traversé au plateau. Il ressent ce qui vibre, et ce qui ne vibre pas. C’est le meilleur baromètre. Son écoute renvoie à l’acteur le tempo du plateau. Silencieusement mais vibrant, il l’aide à tenir la scène. C’est un va-et-vient nécessaire. L’acteur envoie une information, il en reçoit le retour du public comme le ressac d’une vague. C’est ainsi qu’une « discussion » s’écrit.
C’est un travail minutieux qui demande une grande concentration, et qui n’exclut pas le ludique, l’émotion, le récit. C’est un travail qui induit un rapport au monde plus sensoriel, vibratoire, énergétique. Les pensées, les émotions, les désirs, entrent dans ce domaine. « L’alchimie du jeu » crée alors l’acte artistique, en pleine conscience.
Stephan Pastor sera intervenant pour le stage AFDAS du Begat Théâtre avec La Réplique à Marseille, du 2 au 13 avril 2024.
2 Stages "Les journées" se sont déroulés les 20 et 21 mai 2023, au lieu de résidence du Begat Théâtre, à la Colle, à Gréoux-les-Bains. (04) , puis les 3 et 4 juin 2023 au studio de la Cie L’entreprise, à la Friche la Belle de Mai à Marseille. PDF(s) joints çi-dessus.
Depuis octobre 2013, les stages "Les journées" sont effectués à la Friche la Belle de Mai et/ou à La Colle lieu de résidence du Begat Theater.
Une adhésion annuelle à la Compagnie Pirenopolis est demandée aux participants, comme acompte à l’inscription au stage. (se rendre sur "Contact")